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Appel à contribution pour le 4è numéro de la revue Traits-d'Union, pour le 12 mai.

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Message par Cécile W Lun 15 Avr - 17:12

La catastrophe
Du général au particulier, de l'intime au collectif.


Au XVIe siècle, la catastrophe [du grec katastrophê : bouleversement, fin, dénouement] ne désignait que le dénouement d'une pièce de théâtre. D'abord indifféremment appliquée à la comédie et à la tragédie, à partir du XVIIe siècle elle ne concerne plus que la tragédie : elle est alors synonyme de la fatalité qui s'abat sur le héros, irrémédiable et qui clôt le destin mis en scène. La catastrophe est donc d'abord strictement individuelle, même si l'exemplarité de la tragédie, sa fonction cathartique, la destine à une signification universelle.

Selon l'acception actuelle de l'Académie française la catastrophe est un « Évènement soudain qui, bouleversant le cours des choses, amène la destruction, la ruine, la mort, le désespoir ». Elle concerne ainsi indifféremment les sphères intimes ou collectives et cependant on l’emploie généralement pour désigner un désastre survenant à grande échelle. L'aspect funeste de la catastrophe semble devoir s'appliquer à un assez grand nombre d'êtres humains pour qu'elle se distingue d'un événement tragique, malheureux. Elle s'appréhende et se subit collectivement, chaque individu s'y trouvant soumis se joignant, d'une certaine manière, pour l'observateur extérieur, à une communauté souffrante.

Dans ce quatrième numéro de Traits-D’Union, il sera question d'interroger comment, dans l’expérience de la catastrophe, le général peut se profiler derrière le particulier et inversement, ainsi que d’étudier les relations qui s'y tissent entre l’intime et le collectif.



L'aspect « collectif » du pathos de la catastrophe est largement exploité par les médias, qui y trouvent l’occasion d’une surenchère du spectaculaire, d’une variété d'images choc (soudaineté, aspect extrême de ses manifestations, diversité des points d'impact de la catastrophe). Si cette stratégie médiatique peut faire l'objet d'une étude, la question de la place de l'individu et de l'expérience individuelle et intime dans ce traitement de la catastrophe sera un angle d'approche privilégié.

Toute expérience intime et individuelle est-elle en effet occultée dans ce traitement, ainsi que le suggère l'anthropologue Francine Saillant, analysant le traitement médiatique du tsunami de 2004 : « Les médias ont montré et répété ad nauseam les images des cimetières à ciel ouvert, des corps de la multitude, de la souffrance des anonymes, de l'accumulation des morts et de leur décompte. Le « combien ? » dans ces circonstances paraît plus important que le « qui ? » »[1]. ?

Le pluriel de la catastrophe peut-il se mêler au singulier de sa réception ? L'occulte-t-il ? « La singularisation qui échappe à l'événement est celle des vies réelles […]. Nous nommons ici la possibilité de la vie unique que sape l'événement humanitaire qui fonctionne selon la logique des nombres, des décomptes et de l'anonymat »[2], poursuit ainsi Francine Saillant. Est-on alors face à une communauté sans visages, aux individus interchangeables, ou à une collection impossible à appréhender entièrement d'expériences singulières qui ne se recoupent que peu ? Il sera intéressant également de s'interroger sur le rôle, la position de l'observateur face à un tel traitement, médiatique notamment, de la catastrophe. Comme en témoigne le nombre de visionnages de vidéos amateurs réalisées en direct, pendant la catastrophe, le spectacle de la catastrophe entraîne toujours une certaine fascination. Au-delà des motivations précédant à de tels visionnages (voyeurisme, empathie, fascination…), une marge est-elle laissée à un ressenti intime, individuel, à une implication personnelle dans la catastrophe ?



La catastrophe s’envisage également d'un point de vue linguistique. On peut être en effet face à une familiarité ou une défamiliarisation de la catastrophe, selon la terminologie en jeu, la rapprochant ou l’éloignant du lecteur ou de l'auditeur. On pense notamment à la généralisation de l'emploi du mot « tsunami » pour désigner les « raz-de-marée » survenus dans le sud-est asiatique en 2004 et au Japon en 2011. Comment s'explique ce choix ? Cela revient-il à rendre la catastrophe naturelle plus exotique, ou plus terrifiante ? Au-delà de cet exemple, l'ensemble des mots choisis et utilisés dans les récits – médiatiques ou autres – pourrait faire l'objet d'une analyse. De même, les créoles, constitués après la catastrophe collective de l'esclavage et de la déportation qui lui est allée de pair, peuvent-ils être considérés comme des langues de la catastrophe ?



Cette fracture entre collectif et singulier est également rendue visible par le traitement de la catastrophe par certains Etats. Ainsi, le recours à un état d'exception pour pouvoir gérer les conséquences d'une catastrophe naturelle est fréquent, impliquant notamment une suspension des garanties des droits et libertés, certes justifiée par une nécessité pragmatique, mais interrogeant cependant le maintien de l'État de droit.

La catastrophe, qu'elle soit naturelle ou humaine, engage toujours une organisation de la société, une réponse des pouvoirs publics, de la société civile, etc… Elle ramène ainsi tout individu à son intrication sociale, à son implication dans la société, qu'il soit directement concerné par la catastrophe ou spectateur lointain, pris d'empathie (qu'il s'agisse d'une simple réaction émotionnelle ou d'une action en faveur des victimes). « Grand moment de générosité, de solidarité », ainsi que le répètent à l'envi les médias, la catastrophe n'est-elle qu'un point de cristallisation passager d'un sentiment d'une communauté humaine, ou, rupture d'une normalité aussi bien sociale qu'intime, personnelle, peut-elle être aussi l'opportunité d'une reconfiguration du social, l'éclosion d'une nouvelle communauté – ainsi que semblent notamment en témoigner les deux documentaires de Fernando E. Solanas sur les suites de la crise en Argentine, Mémoire d'un saccage et La dignité d'un peuple ?

Dans ce type de représentation, comment peut être appréhendé le va-et-vient, propre à tout documentaire, mais s'imposant particulièrement dans le cas de la catastrophe, entre le général et le particulier ?



Dans sa généralité, la catastrophe est-elle appréhensible ? Qu'en est-il des représentations de la catastrophe qu'on pourrait à priori considérer comme « anonymes », ne renvoyant pas à une singularité, une intimité identifiée ? On peut penser ainsi au musée juif de Berlin. L'architecte Daniel Libeskind y a intégré des espaces, comme le jardin de l'exil et la tour de l'holocauste, qui possèdent un fort pouvoir évocateur : sol incertain, décalage de perspective posant le promeneur dans une situation de déracinement par rapport à ses repères familiers dans le jardin, enfermement dans une tour en acier, percée seulement par un rayon de lumière naturelle lointain, dont la porte ne peut être ouverte de l'intérieur, dans la salle de l'holocauste. Ces espaces semblent ainsi évoquer sur un mode symbolique et métaphorique la catastrophe de la Shoah dans sa généralité. Cependant, par l'expérience saisissante donnée à ressentir au visiteur, ne visent-ils pas aussi une certaine « intimisation », pour tant est qu'elle est possible, posant le visiteur face à une émotion qui lui est propre ?

Si l'on voudrait éviter de poser la question de la représentation de la catastrophe dans son sens large, de ses limites comme de ses possibilités, qui parcourt la réflexion sur les arts et la littérature de manière prégnante et cruciale depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'on aimerait, en ce qui concerne l'analyse de la littérature et des représentations artistiques, que les contributions se penchent sur cette articulation entre général et particulier, collectif et intime, qui peut y être rendue particulièrement visible.



Ainsi, lorsque l'art et la littérature se saisissent du thème de la catastrophe, pourrait-on observer une intimisation de l'événement collectif ?

On peut penser par exemple au film d'animation Le tombeau des lucioles, qui aborde la catastrophe d'Hiroshima par le biais du récit de l'enfance de deux protagonistes. Faut-il donner un « visage humain », soit singulier, pour pouvoir appréhender la catastrophe ? La représentation artistique serait-elle propice à rendre l'intimité de la rupture opérée dans une vie singulière par la catastrophe, ou son renvoi inévitable au collectif universalise-t-il toujours l'expérience évoquée ?

Dans les arts scéniques, la présence des interprètes, qui implique une mise en jeu de soi-même, peut-elle servir à faire écho à la catastrophe ? Comment l’artiste peut-il transmettre un sentiment intime de l’événement à un public ? Comment comprendre les processus de réception simultanée à une expérience imaginaire du désastre ? Une analyse de la catastrophe du point de vue des arts du spectacle permettra de questionner ces pratiques affectant l’individu et le groupe, le particulier et le général, le général et le particulier. Comment la dimension sensible des arts vivants permet-elle de faire ressortir cette articulation entre général et particulier ?

A l'inverse, dans les arts narratifs, l'impossible expression d'une simultanéité du fait de la linéarité du récit, tout comme la nécessité d'une certaine focalisation sur des personnages, condamne-t-elle par avance l'expression de la généralité de l'expérience collective ?



Trois axes seront privilégiés : comment la catastrophe, dans ses dimensions générales et particulières, peut-elle donner lieu à une réponse collective ou touchant l’ensemble d’une communauté, par quels moyens peut se produire et s’exprimer l’articulation ou la fracture entre les pôles individuel et collectif après l’événement, et comment la catastrophe peut-elle être appréhendée intimement et cette réception personnelle devenir le lieu d’expression privilégié d’un bouleversement collectif ?



Les propositions d’articles peuvent représenter toutes les disciplines présentes à Paris. Les résumés ne devront pas excéder 5000 signes maximum, espaces compris.

Ils doivent nous parvenir à l’adresse traitsdunion.bdp3@gmail.com pour le 12 mai.


[1]« Humanitaire, médias, événement », L'événement en anthropologie, Concepts et terrains, sous la direction de Ignace Olazabal et Joseph J. Lévy, Québec, Presses de l'université de Laval, 2006, pp. 115-131, p.124.

[2]Ibid, p.128


http://www.revuetraitsdunion.org/?page_id=56
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Message par Cécile W Ven 17 Mai - 21:03

deadline repoussée au 1er juin!
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